Frédéric Ozanam, l’Universitaire

A propos du livre

Frédéric Ozanam, la sainteté d’un laïc

(Éditions Paroles et silences)

Alors que j’avais été invitée par une amie à assister à la cérémonie de béatification de Frédéric Ozanam sur le parvis de Notre- Dame, en août 1997, j’ai été séduite par la personnalité de cet universitaire, italianiste comme moi. Je m’en explique un peu avec un journaliste de Paris-Notre-Dame, Sylvain Sismondi (PND mai 2001) :

Pouvez-vous succinctement retracer le parcours de Frédéric Ozanam ?

Ozanam est né à Milan en 1813. Son père, désireux d’en faire un brillant avocat, l’envoie à Paris où il commence des études de droit. Mais c’est à la Sorbonne, en tant que professeur de littérature étrangère, que nous le retrouverons quelques années plus tard. Parallèlement à sa carrière universitaire, avec ses amis, Ozanam fonde à l’âge de 20 ans  la première Conférence de Charité qui deviendra la Conférence St-Vincent-de Paul. Plus tard, engagé dans de nombreux débats sociaux, il se présente comme un défenseur de la liberté. En étudiant ses lettres, on est frappé de voir combien il était précurseur de la doctrine sociale de l’Eglise. A 27 ans, il épouse Amélie Soulacroix et devient, quatre ans plus tard, père d’une petite fille : Marie. Sa vie de famille est intense et profonde. Mais sa mauvaise santé lui vaut d’interrompre fréquemment ses activités. Et, à l’âge de 40 ans, à l’apogée de sa carrière universitaire et de son action sociale, il décède, après une longue période de maladie.

En quoi, selon vous, a-t-il été témoin de la foi à son époque ?

Il y a évidemment ses différentes œuvres auprès des pauvres. La création des Conférences de St-Vincent-de Paul eut un retentissement extraordinaire en très peu de temps. Mais, à mon sens, plus frappant encore était son profond désir de bâtir la communion entre les hommes : c’est ce qui a touché le plus ceux qui l’ont connu. A cette époque où une grande divergence opposait la philosophie des Lumières au christianisme, Ozanam, tout en étant un fervent défenseur de la foi chrétienne, a su rester fidèle à sa vocation d’universitaire dans l’enseignement public. Il savait aimer les gens, au-delà des conflits. Si bien que même ses confrères anticléricaux le respectaient.

Qu’est-ce qu’une rencontre avec Ozanam, à travers des lectures ou des cours, peut apporter à un chrétien ?

D’abord, fait plutôt rare pour un saint reconnu, Ozanam est un laïc. Il nous montre comment vous et moi, dans notre vie ordinaire, nous pouvons cheminer vers la sainteté. Car, dans son parcours, rien n’est de l’ordre de l’extraordinaire, du miraculeux ou du sensationnel. Ozanam travaille beaucoup, prend des vacances, a besoin de se savoir apprécié de son entourage… Sa vie, en apparence, ne se distingue en rien de celle des autres. Dans le domaine de la foi, il n’a pas non plus de grands élans mystiques qui forcent l’admiration. Au contraire, il avance à tâtons. Comme nous ! Cependant, c’est un homme qui prie beaucoup et fréquente assidûment les Écritures. Par ailleurs, nous les chrétiens, sous prétexte d’humilité, nous pouvons avoir aujourd’hui tendance à nier certains aspects de notre humanité. Et ce n’était pas le cas d’Ozanam qui aimait recevoir des distinctions et des prix : il savait très bien utiliser ses relations pour parvenir à ses fins et sortait volontiers dans le monde… mais, tout en vivant pleinement sa condition d’homme d’un certain milieu. Pour tout, il s’en remettait à la volonté de Dieu et se laissait « travailler» par la grâce. Il répétait qu’il fallait toujours aller jusqu’au bout de ce qu’on entreprenait, et que Dieu, ensuite, montrait si c’était la bonne voie. « Je veux ce que tu veux, dit-il au Seigneur, je veux quand tu veux, je veux parce que tu veux »

Comme tous les saints, Ozanam passe par un chemin de dépossession…

Effectivement, il était très souvent malade. Il souffrait de la gorge et avait une sorte de tuberculose des reins qu’on n’avait pas diagnostiquée. Et petit à petit, la maladie l’a gagné. A la fin, il n’avait plus la possibilité, comment avant, de travailler ou d’agir. Pour cet homme très actif, ce fut une terrible épreuve. Lentement, il s’est laissé déposséder de son métier, de sa carrière… Au fur et à mesure, Ozanam s’est abandonné dans les bras de Dieu et a commencé à bénir sa volonté. Comme beaucoup de saints, il est passé du volontarisme à la soumission, puis, de l’abandon à la bénédiction.

L’an dernier, vous donniez un cours sur Ozanam à l’Ecole cathédrale. Les participants ont-ils été touchés par ce personnage ?

Oui, beaucoup. J’ai souvent ressenti dans l’auditoire beaucoup d’empathie pour le personnage. J’ai aussi entendu s’exprimer des résistances. Par exemple, une participante s’adressant à un religieux qui suivait mon cours réagissait ainsi : « la sainteté… jusque là ! c’est bon pour vous, qui avez choisi d’être religieux mais pas pour nous les laïcs ». Elle était étonnée que, comme tous les saints, Ozanam en vienne, à la fin de sa vie, au don total à Dieu de sa personne. Elle comprenait que la sainteté nous amène à nous abandonner, à nous donner toujours plus. Et, humainement, c’est souvent bien difficile à accepter… Pourtant, à travers la figure d’Ozanam, Dieu nous appelle, encore une fois, nous laïcs à devenir des saints. Des saints laïcs !